Jeanne Clerbaux clap - Katrine Mourad

Interview

Pourquoi Cinécolab ?

- Cinécolab

Conversation avec Jeanne Clerbaux, étudiante en master 2 Réalisation à l’IAD et à l’initiative de Cinécolab.

Comment as-tu eu l’idée de ce projet?

Ça fait quelques années que je suis préoccupée par la situation climatique. Depuis ma première année à l’IAD, je sens comme un truc un peu inconfortable entre la manière dont on m’apprend à faire du cinéma et la réalité du monde d’un point de vue écologique. 

Je veux dire, on est quand même dans une situation qui n’a jamais eu lieu, où on a exterminé quasi 70% de la biodiversité, où des centaines de milliers de personnes vivent des pénuries d’eau potable, on a dépassé 6 des 9 limites planétaires, … et à côté de ça, pour la pureté du 7e art, on se permet d’avoir des pratiques complètement absurdes. 

On a brûlé des forêts entières pour Apocalypse Now, on a tracté une île artificielle pour le film Waterworld en transportant ses décors en Boeing, on a tué des milliers de chauves-souris pour tourner une scène dans une grotte protégée pour Expendables 2 … 

Heureusement qu’à l’école on a pas trop les moyens de faire tout ça, mais personne ne prend le temps de nous expliquer que ce genre de pratique, c’est la honte.

Même à petite échelle le secteur doit changer ses pratiques. Par exemple les ampoules à incandescence sont interdites pour l’usage domestique depuis des années à cause de leur consommation mais, pour le cinéma, on fait exception. On éclaire des plateaux pendant des heures sans se questionner sur la nécessité de le faire ou les alternatives qui existent. 

Je crois que c’est important de prendre ce sujet à bras le corps depuis l’école, parce que les étudiantes et étudiants sont les professionnels de demain. Et moi j’ai envie que mes enfants puissent en regarder, du cinéma. 

Mais alors est-ce qu’il ne faut pas juste arrêter de faire du cinéma? 

Non, au contraire! On a besoin de cinéma. On a besoin de se raconter des histoires. Je suis convaincue de l’impact positif que peuvent avoir les films sur nos comportements. Par exemple, on parle de l’effet Scully, tu connais? C’est un sondage qui a été fait selon lequel les femmes qui auraient regardé la série X-Files, ont 50% de chance de plus que les autres de faire des études scientifiques. C’est fou. C’est à propos de ce qu’on se raconte. 

Yasmina Auburtin, qui bosse pour "imagine 2050", parle de la “pédagogie clandestine”, c’est exactement ça. Il nous faut réfléchir à nos récits et à ce qu'ils promeuvent comme imaginaires. Enfin bref, c’est tout un programme. 

Maintenant que la première phase est lancée, qu’est-ce que vous imaginez pour l’avenir de Cinécolab? 

Là, on est 4 à travailler dessus: Olivier Poncelet, Pierre-Paul Renders, Adrien Berlandi et moi. On a déjà organisé quelques formations, dont 2 pour les profs, pour les sensibiliser à ces questions, et une formation de 3 jours avec The GreenShot pour les techniciennes et techniciens du secteur. Ça a vraiment bien marché. C’était super d’enfin faire de l’écologie un sujet et de questionner nos pratiques, de rencontrer celles et ceux pour qui ça compte.

On aimerait aussi faire des workshops par départements … et on a plein d’autres idées. Maintenant, il faut trouver le temps et les ressources humaines pour les mettre en œuvre.